Fort d’une histoire et d’une expérience de plus de 75 ans, les origines de la société Tractel Secalt S.A. remontent à la création de la Société d’Études et de Constructions d’Appareils de Levage et de Traction (Secalt) en 1948, originalement établie à la Pulvermühle à Luxembourg. À l’époque, l’idée de départ du fondateur Pierre Medawar était de fabriquer et de commercialiser un treuil manuel à câble passant, connu sous le nom de Tirfor® et figurant aujourd’hui encore au programme des produits et équipements de levage de la société. Le Tirfor® – contraction de « tirer » et « fort » –
a notamment connu son heure de gloire sur le chantier du Pont Grande-Duchesse Charlotte, appelé communément Pont Rouge, à Luxembourg-ville au début des années 1960.
Au fil des décennies, l’entreprise a consolidé et internationalisé ses activités dans le domaine de solutions pour travaux en hauteur en rejoignant le groupe français Tractel en 1983, puis en intégrant le groupe suédois Alimak en 2022, et dispose ainsi d’un important réseau de sites de production et de centres de compétence internationaux. Si Alimak Group emploie quelque 3000 personnes dans le monde, Tractel Secalt occupe 70 ingénieurs et techniciens au Luxembourg.
Tractel Secalt au Luxembourg est spécialisé dans les solutions d’accès temporaires (treuils et palans pour le levage de personnes ; plateformes d’accès) et les solutions d’accès permanentes : des nacelles et portiques d’accès destinés à la maintenance des bâtiments et à l’entretien des façades, tels qu’on peut les voir en haut de certains immeubles, comme par exemple les tours de la Cour de Justice de l’Union européenne au Kirchberg. Les références dans ce domaine, dont de nombreux gratte-ciel équipés d’installations Tractel, sont mondiales.
Or, l’équipe de Tractel Secalt se consacre aussi à des projets spéciaux qui consistent à développer des solutions uniques et innovantes pour l’industrie et les infrastructures et qui trouvent application dans beaucoup de domaines comme le secteur de l’énergie, la construction ou le transport.
C’est dans le cadre de ces applications spéciales que l’entreprise Tractel participe aujourd’hui au projet très ambitieux de construction du tunnel « Fehmarnbelt » qui reliera le Danemark à l’Allemagne, en traversant le détroit de Fehmarn Belt dans la mer Baltique. Le tunnel immergé sera long de 18 kilomètres et accueillera une route à quatre voies, une double voie de chemin de fer ainsi qu’un tunnel de sécurité et de maintenance. Alors que le projet a vu le jour en 2016, les travaux ont débuté en 2021 et la mise en service est prévue en 2029. Ce nouveau lien fixe direct permettra de sensiblement raccourcir la liaison entre l’Allemagne (région de Hamburg) et le Danemark (région de Copenhague), et donc aussi la Suède. Le budget initial global du projet s’élève à plus de 7 milliards d’euros.
Le tunnel sera composé de 79 éléments standard en béton préfabriqués d’une longueur de 217 mètres, d’une hauteur de 10 mètres et d’une largeur maximale de 35 mètres. Pesant 73.000 tonnes chacun, ces modules creux renferment les 5 « tubes » pour la circulation routière, ferroviaire et de sécurité. Enfin, chaque élément en béton sera fermé des deux côtés par des cloisons en acier qui empêchent l’eau de pénétrer à l’intérieur lors de leur immersion. Et c’est là qu’intervient l’expertise de l’entreprise luxembourgeoise ! Une fois les éléments déposés à 60 mètres sous l’eau, les cloisons en acier doivent être retirées successivement pour relier les éléments du tunnel. Pour ce faire, les ingénieurs de Tractel ont développé un engin appelé BLRT (Bulkhead Remote and Lifting Tool) qui permet aussi bien d’installer que de retirer les cloisons, au nombre de 44 pour chaque module, sans avoir recours au découpage au chalumeau traditionnel.
En effet, les contraintes dictées par le consortium Femern Link Contractors (FLC), un des maîtres d’ouvrage de ce projet gigantesque, sont multiples. Comme nous l’explique Philippe Mainsard, directeur commercial de Tractel Secalt, il s’agit tout d’abord de travailler dans un espace confiné sous l’eau où chaque manipulation doit se faire avec la plus grande précision et où une priorité absolue est donnée à la sécurité des travailleurs. Compte tenu de l’envergure du chantier et de ses enjeux économiques, les temps d’intervention doivent aussi être optimisés. Finalement, le client avait le souhait de récupérer les portes en acier de 10 tonnes chacune pour les réutiliser pour la fermeture des éléments en béton suivants, répondant ainsi à un souci aussi bien écologique qu’économique.
Muni de nombreux capteurs et de caméras, équipé de puissants stabilisateurs et doté d’un bras télescopique capable de manipuler une charge de 10 tonnes avec une précision millimétrique, l’engin BLRT qui est entièrement automatisé et commandé à distance, répond parfaitement à toutes ces considérations. Si les entités internationales du groupe collaborent à ce projet, c’est l’équipe d’ingénieurs et de techniciens au Luxembourg qui a mis en commun son expertise en mécanique, hydraulique, électrique et en automatisation pour concevoir le design de l’engin qui pèse 30 tonnes. Par ailleurs, l’assemblage et les tests des quatre engins BLRT qui ont finalement été commandés à Tractel, ont été effectués dans son usine de Foetz. L’équipement a ensuite été expédié vers Rødbyhavn du côté danois, où un port et une usine avec 6 lignes de préfabrication de béton ont été érigés spécialement pour la construction de ce tunnel immergé qui sera le tunnel plus grand de ce type au monde.
Sur place, Tractel assure la formation des opérateurs aux actions multiples et complexes dont est capable le BLRT pour l’installation, respectivement le retrait complètement automatisé des cloisons en acier qui peut se faire en tout sécurité et ne prend pas plus de 10 minutes.
Même si Tractel continue bien sûr de commercialiser sa gamme traditionnelle de produits et d’équipements de levage, évoluer dans des marchés de niche – et dans ce cas précis, sur le fond marin – avec des solutions innovantes et sur mesure permet à l’entreprise de se démarquer par rapport à la concurrence.