La fin de l’année approche et soulève dans bon nombre d’entreprises la question de l’attribution de la prime de fin d’année. Qu’elle soit dénommée prime de Noël, bonus de Noël ou 13ième mois, la question relative à l’attribution de la prime de fin d’année n’est pas réglée par les dispositions législatives en vigueur.

Cependant, elle a souvent été abordée par les tribunaux luxembourgeois qui en ont fait ressortir des principes qui s’imposent dans les relations de travail. Ainsi, suivant une jurisprudence bien établie et rappelée récemment par la Cour d’appel « les primes et gratifications constituent en principe une libéralité laissée à la discrétion de l’employeur, à moins qu’elles ne soient dues en vertu d’un engagement exprès repris dans le contrat de travail ou dans la convention collective, ou que l’obligation de la payer résulte d’un usage constant. »[1]

Dès lors et eu égard à cette définition jurisprudentielle, deux conceptions de la prime se dégagent. Ainsi, dans certains cas, elle ne constitue pas un droit acquis pour le salarié et dans d’autres elle est un élément du salaire donc faisant partie intégrante de celui-ci. Dans cette seconde optique, la difficulté consiste à déterminer si la prime de fin d’année est due en raison d’un usage constant alors que la preuve de l’attribution de la prime de fin d’année par un engagement exprès repris dans le contrat de travail ou dans la convention collective est facile à rapporter.

Les développements jurisprudentiels ont permis de déceler trois conditions cumulatives permettant d’octroyer à la prime de fin d’année un usage constant. Ainsi, la personne réclamant le paiement d’une prime au prétexte qu’il s’agit d’un usage constant doit « rapporter la preuve qu’elle réunit les caractères de généralité (paiement à tout le personnel ou du moins à une catégorie de personnes), de constance (règlement pendant plusieurs années de suite) et de fixité quant au montant ou au mode de calcul. »[2]

Toutefois, dans une affaire concernant une société employant une salariée unique, la Cour d’appel a retenu que : « La généralité de la gratification ne signifie pas qu’elle soit payée à tous les salariés d’une même entreprise ; il suffit qu’elle soit payée à des salariés se trouvant dans la même situation pour faire admettre qu’elle ne présente pas un caractère exceptionnel. Partant, si une société n’emploie qu’un salarié ou qu’un de ses salariés exécute une fonction unique au sein de cette société, le caractère de généralité du paiement de la gratification est suffisamment établi par le versement des gratifications à ce salarié. »[3]

Ce même arrêt a également admis que : « le paiement pendant deux années consécutives d’une gratification correspondant chaque fois au salaire du dernier mois de l’année suffit pour établir les caractères de constance et de fixité de la gratification. »

Ainsi, au vu de cette jurisprudence, le risque d’être en présence d’un usage constant est assez élevé. Il est donc important pour l’employeur d’indiquer au contrat de travail une clause stipulant que la prime constitue une libéralité laissée à sa discrétion et partant est facultative afin de garder son pouvoir discrétionnaire. Le salarié ayant signé un tel contrat ne peut pas à l’avenir se prévaloir d’un droit acquis alors que sa signature apposée au contrat de travail marque son accord à une telle clause.

Par ailleurs, la jurisprudence constante prévoit le paiement de la prime de fin d’année au prorata des mois travaillés en cas de départ du salarié de l’entreprise avant le paiement de ladite prime et ce en l’absence de toute stipulation contraire au contrat de travail ou à la convention collective. Dans une affaire dans laquelle le salarié a été dispensé de travail durant son préavis la Cour d’appel a souligné que : « Comme le salarié a été au service de l’entreprise jusqu’au 15 décembre 2012 et que la dispense de travail durant la période du préavis ne peut pas priver le salarié des rémunérations, indemnités et autres avantages qu’il aurait pu obtenir en cas de prestation du travail, il n’y a pas lieu de déterminer la prime en tenant compte des seuls mois qui précèdent le début du préavis. »[4] Dans cette affaire, le Tribunal de première instance avait accordé au salarié une prime proratisée aux seuls mois durant lesquels ce dernier avait effectivement travaillé en ne tenant pas compte des quatre mois de préavis durant lesquels le salarié, même dispensé de travail, était au service de l’employeur.

Cependant, dans une affaire récente relative à un licenciement pendant la période d’essai, dans laquelle les modalités de fixation de la prime n’avaient pas été expressément prévues au contrat de travail (qui se limitait à prévoir que : « les modalités d’attribution seront fixées tous les ans… »), la Cour d’appel a retenu que la salariée ne pouvait pas prétendre au paiement de la prime au motif que : « Il [le contrat de travail] indique en effet, sans aucune possibilité d’interprétation, que cette prime sera payée, suivant des modalités d’attribution fixées tous les ans. A n’a commencé son travail que le 1ier juillet 2015 et les six premiers mois constituent une période d’essai, de sorte que ces modalités de calcul de la prime sont à fixer à la fin de cette période, à un moment où les deux parties sont certaines de vouloir continuer leur collaboration. »[5]

Cet arrêt est très intéressant dans la mesure où il admet que bien qu’une prime annuelle soit garantie au salarié par l’employeur, lorsque les conditions d’attribution de celle-ci ne sont pas initialement prévues par le contrat de travail, elles doivent en tout état de cause être fixées à l’issue de la période d’essai. Ainsi, le salarié qui voit son contrat de travail résilié pendant la période d’essai ne pouvait pas prétendre à une telle prime.

A côté de la question de son attribution, la prime de fin d’année trouve également son importance dans le calcul de l’indemnité de départ lorsque cette dernière est due. L’article L. 124-7 (3) du Code du travail stipule en effet que : « L’indemnité [de départ] est calculée sur la base des salaires bruts effectivement versés au salarié pour les douze derniers mois qui précèdent immédiatement celui de la notification de la résiliation. Sont compris dans les salaires servant au calcul de l’indemnité de départ les indemnités pécuniaires de maladie ainsi que les primes et suppléments courants, à l’exclusion des salaires pour heures supplémentaires, des gratifications et de toutes indemnités pour frais accessoires exposés. »

La jurisprudence tend à faire une distinction quant aux primes et suppléments courants à prendre en compte dans la base de calcul de l’indemnité de départ.

Ainsi, il est de jurisprudence constante que le 13ième mois payé tous les ans est pris en compte dans la base de calcul de l’indemnité de départ. Il n’est cependant pas de même pour un bonus annuel. Dans une affaire, le salarié clamait que le bonus versé chaque année par son employeur faisait partie intégrante de son salaire et entrait dans le champ contractuel car était prévu tant dans l’avenant au contrat que dans le « leader team bonus plan » de sorte que ce bonus devait entrer dans le salaire servant de base au calcul de l’indemnité de départ. Toutefois, la Cour d’appel a retenu que : « C’est cependant à bon escient que le tribunal du travail a, d’une part appliqué les dispositions de l’article L. 124-7(3) du code du travail qui exclut en principe la gratification du calcul de l’indemnité de départ, et d’autre part considéré que ce bonus ne remplissait pas non plus les conditions jurisprudentielles pour constituer un élément du salaire de A, plus précisément que la condition de fixité faisait défaut, pour finalement calculer l’indemnité de départ sur base du salaire moyen touché par A pendant les douze mois. »[6]

Dans une autre décision, la Cour d’appel a refusé l’admission du montant du bonus annuel à la base de calcul de l’indemnité de départ en disposant que : « C’est à bon droit que le tribunal du travail a décidé d’inclure dans le calcul de l’indemnité de départ l’avantage en nature de la voiture de service, prévu à l’article 4 alinéa 2 du contrat de travail, mais de faire abstraction du montant de 18.899,34 € réglé au mois de mars 2010 sous la qualification « bonus » à titre de rémunération non périodique. »[7]

À notre avis, il est important que tout employeur souhaitant verser une prime de fin d’année à ses salariés veille à déterminer dans le contrat de travail les conditions d’octroi de la prime en cas de départ de l’entreprise avant le paiement de ladite prime. À défaut, il risque de devoir payer la prime de fin d’année au prorata des mois travaillés et ce même en cas de faute grave ou de démission du salarié.

 

[1] CA du 28 mars 2019 n° CAL-2018-00140 du rôle

[2] CA du 23 janvier 2014 n° 39403 du rôle

[3] CA du 15 janvier 2015 n° 40682 du rôle

[4] CA du 13 octobre 2016 n°42294 du rôle

[5] CA du 28 mars 2019 précité

[6] CSJ,3e, 7 février 2013, n°37411 du rôle

[7] CSJ,8e, 4 décembre 2014, n°38617 et 38956 du rôle

Ella Gredie
Conseillère affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL