Une analyse de 2015 du McKinsey Global Institute a révélé que le secteur de la construction figurait parmi les secteurs les moins numérisés de l’économie totale en termes d’actifs, d’utilisation et de main-d’œuvre. Le secteur de la construction est aujourd’hui le moins avancé dans sa transformation digitale, alors même que des gains de productivité attendus sont de plus de 50% !

Cependant, la digitalisation est arrivée depuis longtemps dans le secteur de la construction : l’approche de modélisation des données du bâtiment BIM (Building Information Modeling) a été un catalyseur important pour le début d’une transformation numérique dans le secteur. On constate par ailleurs qu’une révolution majeure est en cours, la construction 4.0.

Le concept de construction 4.0 commence progressivement à s’imposer et se base sur les technologies de l’internet des objets (IoT), les systèmes cyber-physiques, la robotique
(robots, drones, …), l’intelligence artificielle, les jumeaux numériques, la fabrication additive ou l’impression 3D et bien sûr le BIM. Des nouveaux métiers vont apparaître pendant que la formation et les métiers traditionnels de la construction et de l’exploitation technique se modernisent pour intégrer le digital.
Afin d’illustrer les nouvelles technologies qui impactent le secteur de la construction nous vous donnons ci-après un aperçu de quelques cas concrets de la construction 4.0.
À croire les experts, ce n’est que le début…

Utilisation croissante des robots

Récemment, la société luxembourgeoise Stugalux a présenté ses deux chiens robots développés par l’entreprise Boston Dynamics. Equipés de capteurs, radars et caméra, ils ont pour mission de d’effectuer des mesures sur chantier.
Selon la société d’études de marché Research and Markets, une grande variété de types de robots sera de plus en plus utilisée dans le secteur de la construction à l’avenir. La robotique aura un impact à long terme dans le secteur de la construction – à côté des technologies d’impression 3D et 4D.
Le robot de maçonnerie Hadrian X® de la société australienne FastBrick Robotics (FBR) – le premier système robotique mobile de pose de blocs au monde – est capable de de construire les murs d’une maison in situ en une journée. Le camion chargé de briques prédécoupées de l’entreprise peut se rendre sur un chantier de construction, où une attache robotisée guidée par laser fait passer des blocs à travers un bras et les positionne en permanence.

Photo : FBR

La société Advanced Construction Robotics basé aux États-Unis a développé le robot TyBot pour accélérer l’assemblage des barres d’armature dans les structures en béton. Le système utilise un bras robotisé monté sur une grue à portique pour localiser les jonctions d’armature, puis les attacher ensemble avant le coulage du béton. Son inventeur affirme que TyBot peut égaler la vitesse d’une équipe d’environ six à huit travailleurs sur site avec un seul travailleur à superviser.

Photo : Advanced Construction Robots

L’entreprise danoise ODICO a développé une technologie révolutionnaire pour la construction robotique mobile sur site : Factory on the Fly®. Le système de construction robotique tout-en-un peut être envoyé sur les chantiers à l’intérieur d’un container et permet à des travailleurs, même non-spécialistes, d’instruire des robots à fabriquer des composants du bâtiment sur chantier.

Photo: ODICO – Robolab

En Espagne, une nouvelle machine hybride massive a été développée pour produire des pièces et des structures métalliques complexes pour les projets de construction. Cette grande machine modulaire combine une configuration modulaire de bras de robot industriel, utilisés pour la fabrication additive de l’aluminium et de l’acier,
avec un robot de fraisage spécialisé, qui élimine le surplus de matériau. Les développeurs de la machine affirment que cela réduira les dépenses en temps et en coûts de 20% par rapport à la fabrication hybride traditionnelle de grandes pièces d’ingénierie.

L’impression 3D de maisons

L’impression 3D dans la construction connaît un essor dans le monde entier. Plusieurs possibilités, dont l’impression de logements provisoires et même d’appartements complets, sont déjà en cours de mise en œuvre, mais cette technologie est encore très novatrice.
La société belge Kamp C a imprimé en 3D – avec la plus grande imprimante 3D d’Europe – une maison entière de deux étages et une surface habitable de 90 m2. La maison a été imprimée d’une seule pièce avec une imprimante fixe, ce qui en fait une première mondiale.

Photo : KAMP C

La maison a été imprimée dans le cadre du projet européen C3PO avec le soutien d’ERDF (Fonds Européen de Développement Régional – FEDER). L’idée derrière le projet est d’utiliser la réalisation pour encourager l’industrie de la construction à mettre en œuvre l’impression 3D du béton dans ses techniques de construction.

En plus des fibres contenues dans le béton, seule une armature à retrait minimal a été utilisée. La technique d’impression rend le coffrage du béton superflu. Cela permet d’économiser environ 60% du matériel, du temps et de l’argent. A l’avenir, par exemple, une maison pourrait être imprimée en deux jours.

Toute nouvelle innovation arrive sur le marché à un prix qui tend à baisser avec le temps. Les grandes imprimantes 3D en béton ne font pas exception. Tout comme pour la plupart des technologies, les prix baissent à mesure que de nouveaux produits, meilleurs et plus abordables sont développés. Les nouveaux mélanges de béton innovants contribuent également à la baisse des prix.

Il est difficile de donner un prix exact d’un bâtiment imprimé en 3D en 2020, car cela dépend de la taille et de la complexité de la structure. Les experts prévoient que de plus en plus d’entreprises se dirigeront vers la construction de bâtiments imprimés en 3D. Ceci, combiné avec les technologies en constante évolution, devrait faire baisser les prix et améliorer la qualité.

Parmi les fabricants d’imprimantes 3D de de béton on trouve par exemple :

Apis Cor, un fabricant russe qui a développé une imprimante 3D qui serait capable de construire une maison en 24 heures seulement La Apis Cor est presque entièrement automatisée et requiert la main d’oeuvre de deux personnes pour la faire fonctionner. L’installation prend environ trente minutes.

La société danoise COBOD vient de développer sa 2e génération d’imprimante 3D, baptisée BOD2. La croissance de l’entreprise se poursuit et aujourd’hui la BOD2 est distribuée dans le monde entier. La technologie du COBOD permet actuellement d’imprimer des bâtiments de trois étages de plus de 300 m2 chacun : l’imprimante 3D béton BOD 2 serait capable d’atteindre une largeur maximale de 12 mètres, une longueur de 27 mètres et une hauteur de 9 mètres.

CyBe Construction, une entreprise hollandaise a lancé deux imprimantes 3D de béton, et elle a également développé un matériau breveté, basé sur un mélange de béton. Ces deux machines à 6 axes seraient capables d’imprimer à une vitesse de 200 mm/seconde, permettant alors de fabriquer des structures en béton rapidement.
WASP, une entreprise italienne, souhaite répondre au problème mondial de logement en construisant notamment des maisons à bas prix imprimées en 3D pour les pays en en voie de développement avec son imprimante 3D BigDelta.

Il existe également de nombreuses start-ups dans le domaine de l’impression 3D par projection de béton comme par exemple Mobbot, une start-up suisse qui grâce à une nouvelle technique de fabrication additive arrive à imprimer des pièces en béton mesurant jusqu’à 2 mètres et pesant jusqu’à 3 tonnes.

Les chantiers de construction de plus en plus intelligents grâce à l’IoT et l’intelligence artificielle

Dans le secteur de la construction, les entreprises hésitent encore à mettre en œuvre la technologie des objets connectées – IoT (Internet of Things) – des objets qui communiquent, collectent des données et proposent des services. Souvent les entreprises doutent de l’efficacité des objets connectées et ne voient pas directement comment en tirer de la valeur ajoutée. Cependant, des statistiques récentes montrent que ce n’est qu’une question de temps avant que l’IoT dans la construction ne devienne une technologie incontournable.
Les solutions que les objets connectés peuvent apporter pour une entreprise de construction sont nombreuses : suivi de l’avancement du projet, surveillance du chantier, amélioration de la sécurité des personnes sur chantier, contrôle à distance des équipements et gestion des personnes, faciliter la gestion des tâches quotidiennes, gestion des déchets.

Parmi les objets connectés pour le secteur de la construction on trouve p.ex. des gants connectés avec scanner directement intégré; des chaussures connectées pour assurer la sécurité sur les chantiers, des casques multifonctions avec des lunettes connectées qui permettent par exemple aux agents de terrain de prêter leurs yeux à des techniciens à distance, pour de l’inspection ou du diagnostic rapide, ou encore de manipuler des données BIM directement depuis le site de construction.

L’appareil CraneView®, de la start-up américaine Versatile, capte et analyse des milliers de points de données pour fournir des informations en temps réel sur les performances du chantier et faciliter la prise de décision. Installée sous le crochet de levage de n’importe quelle grue, cette technologie unique en son genre offre des données de production inégalées sur n’importe quel chantier – y compris des informations sur les matériaux, l’avancement de la construction et l’utilisation de la grue – et permet aux équipes de projet de travailler plus en toute sécurité et plus rapidement.

Photo : Versatile

Les entreprises qui utilisent les objets connectés pourront enrichir leur base de données et analyser toutes sortes d’informations en temps réel afin d’améliorer leur productivité. Les volumes énormes de données générées par l’IoT recèlent souvent des informations précieuses que l’on ne peut découvrir à l’aide de simples techniques d’analyse comme les statistiques.

Des solutions basées sur l’intelligence artificielle (IA), en revanche, sont en général très performantes pour mener à bien ce genre de tâches. L’IA peut, par exemple, repérer de manière autonome des tendances dans les valeurs de production mesurées et utiliser ces informations pour constamment améliorer les procédés de fabrication et augmenter l’efficacité globale.

La construction n’en est qu’au début de son parcours de transformation numérique et de nombreuses idées et processus disruptifs émergeront de la recherche et de l’expérimentation en cours.

Les entreprises doivent cependant aussi être conscientes que l’entrée dans la transformation digitale s’accompagne d’un accroissement des risques de cyberattaques, et qu’elles ont tout intérêt à faire de la cybersécurité une priorité.

Les auteurs
Georges Santer
Responsable digitalisation et innovation auprès de la FEDIL