Une décision récente de la Cour d’appel1 a rappelé l’obligation de l’employeur d’invoquer le fait ou la faute susceptibles de justifier une résiliation du contrat de travail pour motif grave dans le délai d’un mois à compter du jour où il en a pris connaissance. À défaut, il y a lieu de présumer que la faute du salarié a été pardonnée par l’employeur ou qu’elle n’était pas suffisamment grave pour rendre le maintien des relations de travail immédiatement et définitivement impossible avec comme conséquence que le licenciement avec effet immédiat prononcé après le délai visé est d’office qualifié d’abusif2. Le délai d’un mois se trouve néanmoins suspendu lorsque le salarié bénéficie d’une protection contre le licenciement, comme en cas d’incapacité de travail du salarié pour cause de maladie3 

En l’espèce, un salarié, au service de l’employeur depuis le 15 septembre 2008, a été licencié avec effet immédiat le 18 mars 2016 pour les motifs suivants : le non-respect de ses horaires de travail, le fait d’avoir acheté aux frais de l’employeur et sans l’autorisation de ce dernier un chargeur compatible avec son GSM, la dégradation de la qualité de son travail, l’usage abusif de sa carte de carburant ainsi que son absence injustifiée de son lieu de travail du 7 septembre 2015 au 18 mars 2016 due à son incarcération au Maroc pour trafic de stupéfiants.  

Le salarié a soutenu que l’employeur n’a pas respecté le délai d’un mois prévu à l’article L. 124-10. (6) du Code du travail et que les motifs invoqués ne sont pas précis et ne sont, de surcroît, ni réels ni sérieux. L’employeur a fait valoir que les fautes reprochées au salarié antérieures au mois de septembre 2015 n’étaient pas trop anciennes et qu’elles étaient établies et suffisamment sérieuses pour justifier un licenciement.  

La disposition légale citée prévoit que : « Le ou les faits ou fautes susceptibles de justifier une résiliation pour motif grave ne peuvent être invoqués au-delà d’un délai d’un mois à compter du jour où la partie qui l’invoque en a eu connaissance, à moins que ce fait n’ait donné lieu dans le mois à l’exercice de poursuites pénales. ».  

La Cour d’appel précise que l’article comporte « partant un principe et une exception, à savoir la suspension du délai d’un mois en cas de poursuites pénales. Aucune des parties n’a fait valoir l’exception, de sorte que seul le principe du délai d’invocation d’un mois sera analysé. Il résulte partant du contenu même de la lettre de licenciement, qu’au moment du licenciement prononcé le 18 mars 2016, l’absence injustifiée de A perdurait depuis le 7, respectivement le 16 septembre 2015, date à laquelle l’employeur en a eu connaissance (par l’information de la mère du salarié relative à son incarcération), soit depuis six mois. Cette absence injustifiée qui constitue, dans la chronologie des motifs invoqués, le dernier motif libellé par l’employeur pour licencier A, aurait dû conformément à l’article L. 124-10. (6) du Code du travail être invoquée au plus tard le 16 octobre 2015.  

L’employeur qui, en l’espèce, a attendu six mois pour l’invoquer, et qui lui-même précise avoir fait preuve d’une grande patience, est supposé avoir pardonné au salarié cette longue absence, respectivement avoir considéré qu’elle n’était pas suffisamment grave pour licencier son salarié avec effet immédiat. N’ayant pas respecté le délai d’invocation d’un mois, le licenciement est à déclarer abusif, certes pour des motifs différents de ceux retenus par la juridiction du premier degré. ».  

Au vu de cette affaire, il convient de conseiller aux employeurs de faire une analyse concrète du comportement fautif du salarié et de réagir ensuite le plus rapidement possible, et en tout cas endéans le délai d’un mois tel que prévu par le Code du travail, lorsqu’il est confronté à une faute grave d’un salarié qui justifierait son licenciement immédiat. Ainsi, l’employeur pourra éviter comme dans le cas d’espèce d’être condamné pour licenciement abusif alors qu’il a fait valoir une grande indulgence face à un salarié responsable pour un motif grave justifiant un licenciement avec effet immédiat. 

Philippe Heck
Conseiller affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL