Une ordonnance récente rendue par la présidente de la 3ième chambre de la Cour d’appel1 a apporté des précisions importantes quant à la protection contre le licenciement d’un salarié ayant tardivement formulé sa demande de bénéficier d’un congé parental.

En l’espèce, le salarié, au service de l’employeur en qualité de « General Manager » depuis le 1ier février 2017, s’est vu notifier par courrier du 30 novembre 2018 la convocation à l’entretien préalable au licenciement pour le 5 décembre 2018, suivi de la lettre de licenciement par courrier du 11 décembre 2018. Il soutient avoir demandé son congé parental à partir du 24 mars 2019, conformément à l’article L. 234-43. et suivants du Code du travail, par courrier recommandé daté du 23 novembre 2018, mais posté le 30 novembre 2018, de sorte qu’il était protégé contre le licenciement, dont il requiert partant la nullité. L’employeur quant à lui conteste la régularité de la demande de congé parental, soutenant en conséquence que le salarié n’était pas protégé contre le licenciement.

Les articles litigieux entre les parties étaient l’article L. 234-46. (2) du Code du travail disposant que « Le parent qui entend exercer son droit au deuxième congé parental doit notifier sa demande à son employeur, par lettre recommandée à la poste avec avis de réception, au moins quatre mois avant le début du congé parental » ainsi que l’article L. 234-47. (8) du Code du travail prévoyant qu’« À partir du dernier jour du délai pour le préavis de notification de la demande du congé parental et pendant toute la durée du congé, l’employeur n’est pas autorisé à notifier au salarié la résiliation de son contrat de travail ou, le cas échéant, la convocation à l’entretien préalable tel que prévu par l’article L. 124-2. La résiliation du contrat de travail effectuée en violation du présent article est nulle et sans effet. Dans les quinze jours qui suivent le licenciement, le salarié peut demander, par simple requête, au président de la juridiction du travail (…) de constater la nullité du licenciement et d’ordonner le maintien de son contrat de travail. ».

La présidente a rappelé que « Pour apprécier si le congé parental a été demandé dans le délai légal de quatre mois, étant donné que le législateur a prévu l’envoi de la demande par lettre recommandée avec avis de réception, le jour à prendre en compte est le jour où la demande du salarié a été déposée à la poste, ou remise en mains propres et avisée par l’employeur, le salarié n’ayant en effet pas d’influence sur la date de la réception par l’employeur » et précise que « la demande de congé parental postée le 30 novembre 2018 et réceptionnée par l’employeur, a été formulée tardivement, soit en dehors du délai légal de quatre mois avant le début du congé sollicité fixé au 24 mars 2019, de sorte que le salarié ne peut bénéficier de la protection de l’article L. 234-47. (8) du Code du travail ». La procédure de licenciement ayant débuté par la lettre de convocation à l’entretien préalable ainsi que le licenciement subséquent étaient dès lors réguliers et les demandes du salarié tendant à la nullité du licenciement ainsi qu’au maintien dans l’entreprise étaient déclarées non fondées.

L’interprétation faite dans l’ordonnance est tout à fait logique vu qu’il paraît inéquitable de laisser bénéficier le salarié d’une protection contre le licenciement si ce dernier n’a pas en amont respecté ses propres obligations prévues par le Code du travail. À notre avis, la solution aurait pu être différente si l’employeur avait accepté la demande tardive (et pas valable). Ainsi, il est conseillé aux employeurs de ne pas prendre en considération les demandes de congé parental qui sont hors délai lorsqu’un licenciement est envisagé. Il est également intéressant à noter qu’une offre de preuve du salarié selon laquelle l’employeur aurait été informé oralement avant le 30 novembre 2018 a été considérée comme étant sans pertinence vu que cette information n’est pas conforme aux exigences de l’article L. 234-46. (2) du Code du travail et qu’une telle information orale antérieure, à la supposer établie, ne rendrait pas la demande, hors délai, régulière.

Philippe Heck
Conseiller affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL