Le Code du travail luxembourgeois accorde en son article L. 337-1. (1). une protection spéciale contre le licenciement à la femme enceinte ou allaitante. Dans un récent arrêt1, la Cour d’appel a rappelé les contours de cette protection.

Dans l’affaire en cause, la salariée a été engagée en vertu d’un contrat à durée déterminée (CDD) ayant pris effet le 17 juillet 2017 avec échéance au 17 juillet 2018 et comprenant une période d’essai de 3 mois. Six jours après l’embauche, l’employeur a par courrier recommandé informé la salariée de la suspension de sa période d’essai jusqu’au début du congé maternité et de la reprise de la fraction de la période d’essai restant à courir à la fin de la période d’interdiction de licenciement et ce, en raison de son état de grossesse (l’employeur ayant reçu le même jour le certificat médical attestant de l’état de grossesse de la salariée). Le congé de maternité de la salariée ayant pris fin 9 mars 2018, l’employeur a en date du 10 mars 2018 notifié à cette dernière la résiliation de son contrat de travail moyennant un préavis de 15 jours, correspondant au préavis applicable en cas de résiliation du contrat durant la période d’essai d’une durée de 3 mois. La salariée a par le biais de son mandataire demandé les motifs de son licenciement, lesquels n’ont pas été communiqués par l’employeur estimant que la résiliation est intervenue durant la période d’essai.

Dans le cadre d’une action en justice, la salariée et l’employeur ont demandé la requalification du CDD en contrat à durée indéterminée (CDI) au motif que le contrat ne renseignait pas l’objet pour lequel le CDD a été conclu. Cependant, la salariée a en cours d’instance renoncé à cette requalification pour demander uniquement la condamnation de l’employeur aux dommages et intérêts pour rupture abusive du CDD. Dans son jugement, le tribunal du travail a requalifié le CDD en CDI et a dès lors conclu au rejet de la demande de la salariée au motif que le licenciement intervenu avec préavis durant la période d’essai est régulier et fondé. La salariée a fait appel de la décision du Tribunal du travail.

Le présent arrêt est intéressant à deux niveaux. D’une part, il apporte des précisions sur la portée de l’article L. 122-9. du Code du travail qui prévoit que : « Tout contrat conclu en violation des dispositions des articles L. 122-1, L. 122-3, L. 122-4, L. 122-5 et L. 122-7 (relatifs au CDD) est réputé à durée indéterminée. » et d’autre part, il rappelle les grands principes en matière de période d’essai et de grossesse de la salariée. Ainsi, en ce qui concerne la question de la requalification du CDD en CDI, la Cour a reformé le jugement entrepris au motif que l’article L. 122-9. précité édicte une règle de protection de la salariée et dès lors à partir du moment où les parties sont en accord sur la mission à effectuer par cette dernière, le fait d’avoir omis l’objet de cette mission dans le CDD, ne saurait avoir pour effet sa requalification en CDI, surtout « si la salariée s’y oppose comme en l’espèce. »

Pour ce qui est de la période d’essai et de la grossesse de la salariée, la Cour a renvoyé aux articles applicables en l’espèce à savoir L. 121-5 (4), L. 337-1., L. 337-2., et L.337-3. du Code du travail avant de rappeler que : « Il résulte de ces dispositions que l’employeur ne peut résilier le contrat de la salariée en période d’essai lorsqu’il a été dûment informé de son état de grossesse, et ce tant en cas de contrat à durée indéterminée qu’en cas de contrat à durée déterminée. Néanmoins, le contrat à durée déterminée prend fin à l’échéance du terme initialement prévu, même si la salariée se trouve à ce moment en état de grossesse ou en congé de maternité. Dans le cas d’un contrat à durée indéterminée comportant une clause d’essai, la loi prévoit la suspension de la clause d’essai depuis la remise à l’employeur du certificat médical attestant la grossesse jusqu’à la fin du congé de maternité. »
L’employeur a ainsi fait une mauvaise application de la loi alors que l’article L. 337-3. du Code du travail prévoit effectivement la suspension de la période d’essai uniquement lorsque l’on se trouve en présence d’un CDI. Ainsi, il n’y a jamais eu de suspension de la période d’essai en raison de la grossesse de la salariée dans la mesure où les parties étaient en présence d’un CDD. Cette conclusion a pour conséquence que la résiliation du contrat avec préavis intervenue le 10 mars 2018, soit après l’expiration de la période d’essai prévue, est abusive.

La question de la qualification du contrat a dès lors été déterminante pour l’issue du litige dans la mesure où pour rappel, un CDD ne peut être résilié avec préavis en dehors de la période d’essai.

Ella Gredie
Conseillère affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL