Les ressortissants de pays tiers à l’UE ne peuvent être embauchés au Luxembourg que s’ils détiennent une autorisation de séjour en cours de validité ainsi qu’une autorisation de travail délivrée par le Ministère des Affaires étrangères et européennes, ceci en vue de favoriser l’emploi des citoyens de l’UE sur le marché du travail interne. Or, avec la pénurie de main-d’oeuvre qualifiée connue non seulement au Luxembourg, mais également dans la Grande-Région, les employeurs sont davantage obligés de recruter des ressortissants de pays tiers à l’UE ce qui entraîne des obligations administratives supplémentaires. Même si la validité du
contrat de travail n’est pas affectée par l’absence dans le chef du salarié d’un titre de séjour valable, ledit contrat de travail est illégal et son exécution étant notamment passible de sanctions pénales prévues tant à l’égard du salarié que de l’employeur. Une décision récente de la Cour d’appel a rappelé l’importance de l’obligation de l’employeur d’exiger, avant l’embauche du candidat choisi, que ce dernier dispose bien d’une autorisation de séjour valable telle que prévue par l’article L. 572-3. (1) du Code du travail.

En l’espèce, un salarié d’origine sénégalaise et disposant d’un titre de séjour italien ne lui permettant pas de séjourner au Luxembourg pour une durée supérieure à 3 mois, a été engagé depuis le 15 juin 2016 en qualité d’« employé polyvalent de restauration ». Il a été licencié avec effet immédiat le 5 juin 2018 suite à une injonction du 8 mai 2018 du Ministère des Affaires étrangères et européennes adressée à son employeur de mettre un terme au contrat de travail conclu.

L’employeur a reconnu avoir été au courant de la situation illégale du salarié, mais a soutenu que, face à l’injonctiondu ministère cité, il n’avait d’autre choix que de licencier le salarié. Le salarié a soutenu que l’employeur ne l’aurait pas averti de sa situation irrégulière et que son contrat de travail ne prévoyait pas non plus d’obligation à sa charge de faire des démarches administratives afin de travailler en toute légalité. Il a précisé que c’est lui qui a fait des démarches pour remédier à sa situation irrégulière. En effet, suite à un contrôle opéré par l’Inspection du travail et des mines (ITM) à l’automne 2017, la situation irrégulière d’un de ses collègues de travail aurait été découverte. Ainsi, il aurait commencé à s’interroger sur sa propre situation et aurait contacté le Ministère des Affaires étrangères et européennes afin de s’assurer que sa situation était effectivement régulière.

La cour d’appel a retenu que « L’employeur, étant en l’espèce en aveu d’avoir eu connaissance dès la conclusion du contrat de travail de A de la nationalité sénégalaise de A ainsi que de sa situation illégale au Grand-Duché de Luxembourg, a partant embauché ce dernier en violation des dispositions légales précitées. C’est partant à bon droit et pour les motifs retenus par le tribunal du travail que ce dernier a qualifié le licenciement avec effet immédiat de A d’abusif. ».

Cet arrêt présente un fort intérêt pour les employeurs ayant régulièrement recours à des ressortissants d’un État tiers à l’UE faute de main-d’oeuvre qualifiée sur le marché du travail interne. Ainsi, au regard de l’issue de cette affaire et des indemnités allouées au salarié, il est indispensable pour l’employeur de remplir les formalités administratives préalables liées à l’embauche d’un ressortissant d’un État tiers même en cas d’urgence d’une mission à effectuer. Effectivement, le besoin immédiat d’une main-d’oeuvre qualifiée qu’on vit actuellement ne dispense pas l’employeur de faire les vérifications et démarches administratives nécessaires. Les employeurs seraient ainsi bien avisés de commencer les démarches administratives préalables bien à l’avance de l’embauche (et surtout le plus tôt possible) afin d’éviter de devoir repousser inutilement la date de commencement du travail du candidat retenu. Il convient aussi de conseiller aux employeurs d’intégrer une clause suspensive au contrat de travail précisant que ce dernier ne prendra effet qu’à l’obtention du salarié des documents administratifs nécessaires à son séjour et son activité salariée.

Philippe Heck
Conseiller affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL