Aux termes de l’article L. 211-4. du Code du travail, « on entend par durée de travail le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de son ou de ses employeurs, s’il en a plusieurs ; sont exclues les périodes de repos pendant lesquelles le salarié n’est pas à la disposition de son ou de ses employeurs ». Le caractère lacunaire de cette définition se révèle à la simple question de savoir si doit être qualifiée de temps de travail, une période pendant laquelle le salarié, sans travailler réellement, doit être joignable et prêt à fournir des services en cas de besoin.

En l’absence de définition légale, c’est la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui a été une influence significative. D’après son interprétation de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail1, le facteur déterminant consiste, non pas dans l’intensité du travail accompli par le salarié ou le rendement de ce dernier2, mais dans l’obligation du salarié d’être physiquement présent sur le lieu de travail. Dans ce contexte, la CJUE a introduit une distinction entre un service de garde sur le lieu de travail, qui doit être qualifié de temps de travail3, et une garde selon le système d’astreinte qui veut que le salarié soit accessible en permanence sans pour autant être obligé d’être présent sur le lieu de travail. La période d’astreinte peut être considérée comme du repos, alors que le salarié, même s’il doit pouvoir être joint, peut gérer son temps avec moins de contraintes et se consacrer à ses propres intérêts4. Dans ces conditions, seul le temps d’une éventuelle intervention doit être considéré comme temps de travail.

Dans une affaire récente4, cependant, des premières fissures ont été apportées à cette distinction très claire. Ainsi, il a été décidé que doit être qualifiée de temps de travail, « une situation dans laquelle un travailleur se trouve contraint de passer la période de garde à son domicile, de s’y tenir à la disposition de son employeur et de pouvoir rejoindre son lieu de travail dans un délai de 8 minutes ». Dans cette affaire, le salarié ne devait pas uniquement être joignable durant ses permanences. Il était, d’une part, obligé de répondre aux appels de son employeur dans un délai de 8 minutes et, d’autre part, contraint d’être physiquement présent au lieu déterminé par l’employeur. Même si ce lieu était le domicile du salarié et non pas son lieu de travail, la CJUE a considéré que les contraintes imposées au salarié, d’un point de vue géographique et temporel, étaient de nature à limiter les possibilités du salarié pour se consacrer à ses intérêts personnels et sociaux. D’après son appréciation, la situation du salarié se distinguait, au regard de telles contraintes, de celle d’un salarié qui doit, durant une période d’astreinte, simplement être joignable par son employeur.

Il en découle que désormais, le simple fait que la garde s’effectue au domicile du salarié, ne suffit pas à la caractériser de période de repos. Le salarié en question doit encore pouvoir avoir d’autres activités durant cette période. À défaut, ce temps doit être pris en compte intégralement dans la computation de la durée journalière et hebdomadaire du temps de travail. Toutefois, la Cour rappelle que la directive 2003/88 ne règle pas la question de la rémunération, de sorte qu’elle n’impose pas de rémunérer les périodes de garde, même qualifiées de temps de travail, au taux horaire normal. Les employeurs restent donc libres de rémunérer différemment ces périodes, notamment à travers des primes forfaitaires telles qu’elles sont prévues dans bon nombre de conventions collectives.

Patricia Hemmen
Conseillère auprès de la FEDIL