Le béton à l’air du temps

Pourquoi reprend-on une entreprise à la cinquantaine passée ? « Well ech wollt mäin eegenen Här sinn » répond-il sans la moindre hésitation. C’est cette volonté inébranlable, une volonté de béton d’être maître de soi-même qui forge aussi bien la démarche que tout le parcours de Robert Dennewald.

Si on demande au président honoraire de la FEDIL, celui qui a infléchi sa destinée pendant trois mandats, celui qui fit de la ‘Fédération des industriels luxembourgeois’ Fedil – Business Federation Luxembourg, contribuant ainsi à la diversification d’une association presque centenaire, ce que c’est qu’un industriel, sa définition puise dans l’imaginaire du 19e. Ce fut le siècle des grandes poussées scientifiques et des prouesses industrielles encouragées par la naissance de la machine à vapeur. Et justement, Robert Dennewald, maître des Chaux de Contern, place la machine au centre de sa définition, une machine qui mouline, souffle et qui – voilà ce qui lui importe le plus – produit : « En industrie, ce qui quitte l’usine à l’autre bout de la chaîne de production, c’est du palpable », dit-il. L’industriel, propriétaire de ces machines, est donc un personnage qui brasse du concret. Mais aussi de l’humain et du social, cela lui tient à coeur. Puis, l’industriel a du capital. Forcément. Il l’investit au profit de son entreprise et de l’humain qui y oeuvre, et cela même si, à maintes reprises, il serait plus lucratif de se lancer dans l’immobilier en profitant des terrains de l‘entreprise. Aussi faut-il de la détermination et de l’autorité, mais cela sans nécessairement élever la voix. C’est effectivement une typologie industrielle très à la Emile Zola, remarque-t-on en l’écoutant. « Oui, fort possible, je suis un cliché, regardez-moi. Car un vrai industriel, ça porte un costume rayé et accuse un peu de ventre », ajoute-t-il avec un sourire et s’empresse de s’excuser du caractère primitif de cette définition. Finalement il faut adorer les expériences, même au risque de rencontrer l’un ou l’autre échec. Voilà l’innovation, vecteur essentiel de toute activité industrielle.

Finalement, pour lui un industriel est ingénieur deformation. Il existe une vielle blague disant qu’il ne faut qu’un ingénieur pour ruiner une entreprise et un financier pour la faire profiter. Donc au final, l’industrie telle que la conçoit Robert Dennewald, est avant toute chose affaire de passion.

Effectivement, sans passions fortes on n’aurait pas pu écrire l’histoire des Chaux de Contern.

Exploitant au départ des carrières et des fours à chaux, la Société anonyme des Chaux de Contern est aujourd’hui le principal fabricant de produits en béton au Luxembourg. Aujourd’hui, Chaux de Contern est une entreprise indépendante, spécialisée en béton préfabriqué, leader dans sa région et dans son secteur. Créée en 1923 comme entreprise familiale, la société de Paul Rischard s’est transformée et développée au rythme de changements d’actionnaires (Groupe Ciments Luxembourgeois – Dyckerhoff – Buzzi), pour redevenir en 2006/2008 une entreprise dont l’actionnariat est exclusivement luxembourgeois. En effet, en 2006/2008, des investisseurs privés luxembourgeois reprennent, par LBO, l’activité « béton préfabriqué » (Eurobéton) à Ciments Luxembourgeois.

En industrie, ce qui quitte l’usine à l’autre bout de la chaîne de production, c’est du palpable.

L’entreprise dispose de l’un des plus grands sites de préfabrication en Europe, né du regroupement de différentes activités. C’est ainsi qu’en 1957, Chaux de Contern a acquis puis transféré en 1975 la fabrication de tuyaux centrifugés d’une usine à Bertrange. En 1995 fut intégré la « briqueterie » d’Esch-sur-Alzette.

Loin de la chaux hydraulique à l’origine de son nom – un nom auquel le chef d’entreprise tient avec un certain mouvement d’affection – et des produits en béton basiques, Chaux de Contern se présente aujourd’hui, grâce à des investissements conséquents et continuels, comme une industrie moderne équipée de plusieurs presses automatisées et d’installations de traitement de surface d’une envergure impressionnante.

1923
Créée comme entreprise familiale, la société de Paul Rischard s’est transformée et développée au rythme de changements d’actionnaires
1957
Chaux de Contern acquiert puis transfère (en 1975) la fabrication de tuyaux centrifugés d’une usine à Bertrange
1990
Reprise de Chaux de Contern par Ciments Luxembourgeois
1994
Reprise de Ciments Luxembourgeois par Dyckerhoff
1995
Intégration de la « briqueterie » d’Esch-sur-Alzette
2003
Reprise de Dyckerhoff par Buzzi Unicem
2006
Chaux de Contern redevient luxembourgeois par LBO
2010
Restructuration de l’actionnariat. Robert Dennewald devient actionnaire majoritaire

Le béton est le matériau de construction le plus utilisé au monde. Il est présent dans tous les secteurs de la construction, ses qualités et ses performances répondent aux différents besoins en matière de bâtiments et de génie civil en respectant les exigences de sécurité, d’esthétique et de durabilité. C’est un matériau qui paraît rustique et simple mais qui est en réalité très complexe et riche en qualités.

Voilà ce qui intéresse Robert Dennewald, ce qui lui permet de se passionner pour ce matériau. Parlant de passion, certes, en tant que chef d’entreprise, il est obligé de calculer, mais il ne peut s’empêcher de permettre certaines extravagances : il a laissé faire un jeune ingénieur, avec un tantinet de tendresse dirait-on, succombant à sa propre passion pour l’ingénierie. Le jeune ingénieur a conçu et construit une machine que l’on croise quand Robert Dennewald fait visiter son entreprise. Monument d’un mouvement de passion qu’il fallait finir par étouffer, c’est une véritable machine monstre, occupant une belle partie d’un hall des Chaux de Contern. Plus loin l’on tombe sur la chaîne de production de Stayconcrete. La spin-off qu’il soutient en mettant à disposition des locaux et des moyens, fabrique des meubles en béton tendance et conçus pour durer grâce à un design mariant forme et fonctionnalité. C’est d’un geste de connaisseur qu’il en vérifie l’état avec l’entrepreneur en herbe qu’il encourage et guide de près. Les lignes épurées des meubles signés Stayconcrete décorent depuis peu la terrasse de plusieurs restaurants et bars luxembourgeois.

Chaux de Contern se déploie sur une surface de 20 hectares comportant 4 principales unités de fabrication (presses à tuyaux, presses à pierres, installations pour béton auto-plaçant), de nombreuses aires de stockage ainsi qu’une exposition de plus de 3000 m2. « Vous savez, dit-il en montrant toute l’étendue de son entreprise équipée de machines énormes, je sais que la digitalisation est au centre des réalités économiques, mais n’oubliez pas la bonne vieille industrie. »

Je sais que la digitalisation est au centre des réalités économiques, mais n’oubliez pas la bonne vieille industrie.

Or, ce que l’on peut qualifier comme la bonne vieille industrie se caractérise surtout par la notion de proximité et cela dans tous les sens du terme : l’équipe autour de Robert Dennewald et Eric Klückers sait exactement ce que demande le marché luxembourgeois et s’efforce au quotidien à suffire à ses évolutions tout en satisfaisant les clients et en ne cessant d’adapter ses produits et services. Que ce soit en bâtiment et en génie civil, en assainissement ou en aménagement des alentours, son équipe connaît les exigences du client de même que celles des normes et règlements luxembourgeois. La proximité ne se remarque pas seulement dans le service rapproché au client qui bénéficie du conseil personnalisé que seul une PME peut offrir, mais elle est également géographique. L’entreprise mise sur les chemins courts : toutes les matières premières proviennent d’un périmètre restreint, on évite les transports excessivement étendus, et, afin de convaincre des produits luxembourgeois, on entretient un stock particulièrement riche. Donc : proximité par rapport au marché, proximité envers le client et proximité spatiale, voilà l’atout des Chaux de Contern et voilà aussi le principe de la durabilité vécu au quotidien. Certes, d’aucuns savent produire des éléments en béton mais pas chacun sait offrir cette proximité qui forme la base et la promesse de l’entreprise.

Robert Dennewald, président et Eric Klückers, directeur général de Chaux de Contern
Inverstissement : Fabrication automatisée de regards monolithiques

Si le secteur du bâtiment est fortement ancré dans la tradition, il n’en demeure pas moins qu’il ne peut se soustraire aux développements du marché. D’une part, jamais les attentes en matière d’efficacité énergétique des bâtiments n’ont été aussi élevées. D’autre part, le secteur évolue vers des produits à plus haute valeur ajoutée, associant des fonctionnalités alternatives pour laisser place à des systèmes de construction. Voilà pourquoi Chaux de Contern s’implique dans une démarche tournée vers l’avenir, notamment en tout ce qui a trait à l’économie circulaire, et est en mesure d’offrir les solutions adéquates, que ce soit en provenance de sa propre usine, ou alors, en collaboration avec des partenaires spécialisés. Depuis longtemps Chaux de Contern entretient un service R&D, s’appliquant à améliorer la qualité des produits existants ou de concevoir de nouveaux produits et techniques de fabrication. C’est pourquoi, n’ayant jamais cessé de revoir ses recettes de béton, l’entreprise se consacre aux techniques du béton auto-plaçant, à la fabrication d’éléments de construction ou de génie civil et développe le béton ultraperformant pour réaliser des produits de plus en plus fins. Et d’ailleurs, parlant d’innovation, le plus grand projet, projet primé par le label Eureka, consistait à développer un nouveau matériau et une nouvelle technique de mise en oeuvre en vue de la fabrication de tuyaux d’assainissement d’une nouvelle génération.

Robert Dennewald sait aller à contre courant. A la FEDIL, il excellait à montrer à la politique le revers de la médaille, s’assurant de ce que les préoccupations des entreprises ne pouvaient rester méconnues. Il faut de la persévérance pour ne cesser de donner l’antithèse à la politique et au mainstream. Robert Dennewald a donné pour la FEDIL, mais il sait aussi distinguer les moments où il convient de passer le flambeau. Voilà pourquoi il a récemment passé les rênes à la prochaine génération – Nicolas Buck.

Capitaine d’industrie à principes inébranlables comme on n’en fait plus, fort d’avoir pris le risque de s’aventurer en tant qu’entrepreneur, Robert Dennewald a-t-il terminé ? « Ciel, non ! » Ensemble avec Eric Klückers, il compte poursuivre la recherche des dernières tendances en matière de béton, il agit comme business angel et, de plus, il y a aussi un rebranding en vue chez Chaux de Contern…